Suite des aventures estivales du jeune Louis Bologne à la ferme Lespagnard de Chêne-al-Pierre dans les années 1932-1938.

Qui sont les hôtes de la famille de Louis et où habitaient-ils ? Nous y répondrons plus en détail dans un article à venir.

En attendant, visitons un peu un endroit curieux que les moins de 20 ans ne pourront plus connaître, malheureusement pour eux, et qui a beaucoup intrigué le jeune Louis.

Une pièce mystérieuse

« Au centre de la ferme, entre la cuisine et l’étable, il y a une pièce mystérieuse, fermée.

C’est le domaine d’Adeline. Elle-même n’y pénétre qu’après un rituel incontournable : elle se lave vigoureusement les mains et les avants-bras, se couvre les cheveux avec un foulard « à floquets » qui lui font des oreilles de Myckey, enlève ses sabots et pénétre dans le saint des saints.

C’est la laiterie.

Une pièce froide, humide, sans fenêtre, dallée de pierre bleue. Un grand bac, en pierre également, me fait penser à celui où le méchant boucher avait mis les « enfants hachés menus  » que St Nicolas a ressuscités.

Mais il y a une pompe en plus, une belle, en cuivre… mais qui ne marche plus depuis que le vieux puits est à sec ! Il y a aussi un tonneau ovale avec une manivelle, c’est la baratte [1].

Ce qui m’intéresse le plus, c’est la Mélotte [2]. Toute rouge, elle trône au centre de la pièce. C’est pour « turbiner » le lait.

Au dessus, un grand entonnoir posé sur un ventre rebondi, avec un volant et, en dessous, une boîte avec deux « trûtchettes »; une qui donne la crème, l’autre le lait « turbiné ».

Il y a deux sortes de turbiné: celui que nous buvons et celui des veaux et des cochons. Le nôtre est meilleur…

Pour les cochons, on ajoute du son, des épluchures et des restes de légumes. Pour les cossets, seulement le son mais on le sert un peu tiède…

Les « cossets », c’est le nom donné aux petits cochons

Adeline connaît tout ça, c’est une fermière.

Il y a aussi une petite table, avec une balance appelée « Robertval »[3];

c’est marqué dessus et un tabouret à trois pieds, ça s’appelle un « traiteux ».

C’est là que Adeline fait ses livres de beurre.

Moi, je n’aime pas la laiterie, on ne peut toucher à rien… j’aime mieux ma chambre.

Près de la porte, on a accroché un bénitier.

Il n’y a pas d’eau dedans, seulement un vieux bout de buis séché, une aumône…

Le Curé les donnent pour rien le dimanche des ramons ou des rameaux, je ne sais pas trop. J’ai du l’enlever pour y mettre mes cochons de cave; mon frère qui est plus grand, les appelle des cloportes [4 ]. 

J’en met deux ensemble dans le petit bac en porcelaine.

Ils essayent de sortir mais ça glisse, il font la course, c’est amusant.

Maman n’aime pas me « voir traîner dans la chambre » (elle ne sait pas, pour les cloportes) et me renvoie dehors…

Je retourne près de mon mouton, lui, au moins , il me comprend !

Louis Bologne

— Notes et références —

[1] La baratte est un outil qui permet de transformer la crème de lait en beurre. Source Wikipedia

[2] Jules Mélotte (1858-1919) est un industriel belge. Né dans une période où se réalisent les premiers progrès en matière d’écrémage mécanique (1877), il s’intéressa de près au matériel agricole et tout spécialement à l’écrémeuse centrifuge. Source Wikipedia

[3] La balance Roberval à deux fléaux est un instrument de pesage qui doit son nom à son inventeur Gilles Personne de Roberval, mathématicien et physicien français né en 1602, connu sous le nom de Roberval car il était originaire de Roberval dans l’Oise. Gilles Personne a eu l’ingénieuse idée de placer les plateaux au-dessus du fléau, alors que traditionnellement ils étaient suspendus en dessous du fléau. Source Wikipedia

[4] Les cloportes ou porcellions sont des crustacés formant le sous-ordre des Oniscidea dans l’ordre des isopodes, avec plus de 4 000 espèces connues. Source Wikipedia.

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