Il existe, prés de la chapelle de St- Martin, une fondrière insondable où, d’après la tradition, avaient été précipitées les cloches de l’église de l’ancien village et un grand coffre rempli d’or, d’argent et de pierres précieuses, que les habitants du village avaient confié à ce gouffre, à l’approche des envahisseurs.
Comme tous les trésors sans maitre, celui-ci est remis à la garde de messire Satan, et toutes les tentatives faites pour le lui enlever ont étė vaines.
Toujours d’après les traditions locales, un curé de Bovigny voulut, il y a nombre d’années, devenir possesseur de ce fameux trésor. Il s’assura le concours de deux hommes déterminés, auxquels il avait recommandé de garder un profond silence, jusqu’à ce que le diable, ſorcé par ses exorcismes et ses conjurations, eût déposé le trésor en terre ferme, leur disant de ne s’effrayer de rien de ce qu’ils verraient ou entendraient, leur affirmant qu’ils ne couraient aucun danger, tant qu’ils garderaient le silence, tiendraient en main chacun l’un les bouts de son étole et continueraient à l’éclairer de leurs torches, afin qu’il pût lire ses exorcismes.
Tout bien convenu, le curé et ses deux acolytes se rendirent, la nuit propice, aux approches de minuit, auprès de la fondrière et le curé commença aussitôt ses conjurations.
Satan n’était pas d’humeur à se laisser dépouiller sans essayer de tous les moyens possibles pour conserver son trésor; aussi, dės les premiers moments, un ouragan furieux, brisant les arbres des bois voisins, se déclara; les mugissements du vent étaient accompagnés du cliquetis de grosses chaînes de ſer et de bruits inconnus en ce monde; puis on vit apparaitre un taureau furieux, menaçant les trois téméraires; enfin, ceux-ci se virent entourés d’un cercle de feu.
Confiants dans les paroles du chef de l’expédition, les deux accolytes, bien que fortement effrayės, ne lâchérent ni leurs torches, ni les bouts de l’étole; le cure continuait à lire ses exorcismes dont l’effet se fit bientôt sentir.
La fondrière se mit à bouillonner; le précieux coffre apparut; porté à la surface de l’eau et de la vase, il s’approchait lentement de la terre ferme où se tenaient nos trois hardis compagnons.
Le succès paraissait assuré, lorsque l’un des compagnons du curé, croyant la chose terminée, s’écria : « Enfin nous le tenons ! ».
Le malheureux avait parlé trop tôt; le précieux coffre s’enfonça de nouveau dans la fondrière, à une profondeur double de celle où il se trouvait auparavant et dont, jusqu’aujourd’hui, il a été impossible de le retirer; les torches s’éteignirent et nos trois hommes, roués de coups , ne revinrent à eux que le lendemain matin et eûrent toutes les peines du monde à regagner leur domicile .
— Notes et références —
Source : Emile Charles Secrétaire de la Société agricole – Annales de l’Institut archéologique du Luxembourg – Institut archéologique du Luxembourg, Arlon, Belgium · 1891