« Il y aura cet hiver un peu plus de 300 ans [1] que le seigneur de My résidant à Rolley perdit la vie.
Ce dernier voulant traverser l’Ourthe orientale, à Spitange, prit en croupe son compagnon de voyage, son fidèle serviteur du nom de Joachim.
Celui-ci peu rassuré dit au seigneur : « Maître, les eaux débordent; la traversée sera périlleuse ».
«Joachim, répondit l’audacieux cavalier, Faro nous portera bien».
Achevant à peine ces mots, il poussa son coursier en avant, l’engagea dans l’Ourthe, mais arrivant sur l’autre bord le cheval ne plus prendre pied sur un rocher abrupt, et de ce fait roula dans la rivière.
De My, entraîné par le courant, embarrassé dans son caban, disparut sous les eaux; on repêcha son corps quelques instants après, mais il était déjà trop tard : il avait oublié de respirer.
Quant au vieux Joachim, une branche de noisetier l’avait sauvé.«
.L’Avenir du Luxembourg du lundi 12 septembre 1932
Mais qui est donc ce seigneur de My et cette histoire est-elle véridique ?
300 ans avant 1932, cela nous amène vers 1630. Nous allons voir que cette fort grossière approximation va nous écarter du bon chemin.
Le dernier « de My », seigneur de My est Evrard, également seigneur de Bierloz et vicomte de Ferot [2], capitaine des gardes de la princesse de Parme [3], gouverneur des Pays-Bas vivant dans les alentours des années 1577. Evrard de My fut ensuite lieutenant-colonel au service du Sérénissime électeur de Cologne, Ernest, duc de Bavière [4], évêque et prince de Liège. Il épousa Hélène de Waha de Baillonville et eut 3 enfants, Antoine, religieux, Guillaume, capitaine et mort célibataire et Marguerite de My, dame de My, vicomtesse de Ferot. Hélène de Waha décéda en 1589.
Marguerite de My épousa le 25 novembre 1586, noble homme André de Pallant, gentilhomme de la chambre de S.A. Ernest de Bavière. Elle eut de son mariage Ernest, chevalier, seigneur de My et Catherine.
Ernest de Pallant, lui aussi gentilhomme de la chambre de S.A. de Bavière, épousa en 1613, Anne Walgraff de Cortils [5] dont il eut 10 enfants : André, mort en 1687, Philippe-Albert, François, baron de Pallant, Jean-Baptiste, religieux aux Carmes chaussés, Ernest Maximilien, chanoine à Aix-la -Chapelle, Anne-Michèle, Marie-Françoise, Agnès, religieuse au Val-Notre-Dame, Pascaline, religieuse à Hocht et Anne-Marguerite.
Son épouse décéda sans doute suite à ses nombreuses maternités. Ernest épousa alors Anne de Lembrée de My dont il eut Dieudonné en 1640, religieux Augustin à Liège et Jean-François, mort jeune homme à My. Ernest décéda le 14 octobre 1679.
Qui est alors le seigneur de My noyé à Spitange ?
S’agit-il d’un fils d’Ernest, Philippe-Albert ou François ?
Ou encore de Jean de My, écuyer, seigneur d’Izier mais pas de My, décédé en 1610 qui eut un fils, Guillaume de My ?
Rien, dans l’état actuel des recherches, ne permet pas de répondre à cette question et donc de vérifier la véracité de cette histoire.
Les recherches n’ont pas permis non plus d’identifier l’origine de l’histoire rapportée par l’Avenir du Luxembourg de 1932.
Ne s’agissait-il que d’un conte, d’une histoire qu’on se racontait lors des veillées ?
François-Joseph de Colnet, un probable candidat
Les Annales de l’Institut archéologique du Luxembourg de 1955 nous présente un autre candidat possible. Il y est question de My et de Rolley mais 145 ans plus tard que la supposée date anniversaire.
« En 1775, Pierre-Joseph de Mathelin de Monty, seigneur de Rolley et de Mabonpré, en considération de son amitié pour François-Joseph de Colnet, seigneur de My, lui fit donation de Rolley [6) ainsi que de ses autres biens, avec tous les droits honorifiques y attachés, à condition pour lui d’en payer les charges et d’éteindre toutes les dettes qu’il avait contractées.
François de Colnet s’attacha à parfaire le remembrement du domaine de Rolley. Il mourut en célibat.
Marie-Anne de Colnet de Lesse, sa sœur, remet alors le bien aux enchères publiques. »
Source : Annales de l’Institut archéologique du Luxembourg, par Institut archéologique du Luxembourg, Arlon, Belgium · 1955
La confirmation
Ce sont encore les Annales de l’Institut qui vous nous confirmer l’identité du seigneur de My, décédé à Spitange.
« François-Joseph Martini, seigneur de My et de Berloz mourut le 31 mai 1766; son successeur à la seigneurerie de My fut François-Joseph de Colnet de Boley. Ce dernier parait comme seigneur de My dans un acte de la cour noble de Laroche du 30 octobre 1775 et dans un autre du 21 juillet 1793.
Par le premier acte réalisé le 16 mars 1778, le Ser Joseph de Mathelin Monti, Chevalier de l’ordre militaire de St-Louis [7), Seigneur de Rollé, donne au Seigneur de My, son cousin, ses terres et Seigneurerie de Rollé.
François-Joseph de Colnet, Seigneur de My, mourut près du moulin de’Engreux le 30 janvier 1801.
Lui succéda Marie-Constance de Colnet, qui avait épousé François-Henri-Joseph de Pasquet d’Acosse. Marie-Constance laissa Marie-Joséphine de Pasquet d’Acosse morte le 1er mars 1822; elle avait épousé Arnold-Joseph Fivé, et eut une fille Eléonore Fivé, épouse du père du propriétaire actuel du château de My, Nicolas Placide Wibin-Gillard. »
Source : Annales de l’Institut archéologique du Luxembourg, Volume 26, par Institut archéologique du Luxembourg, Arlon, Belgium · 1892
— Notes et Références —
[1] Soit donc, approximativement, vers 1632.
[2] Les de My étaient dits vicomtes de Ferot, ils possédaient donc ce lieu en tout ou partie. Donné par Carloman à l’abbaye de Stavelot, Ferot fut le siège d’une ancienne vicomté. Ferot, appelé aussi Ferot-le-Fourneau, est un hameau de la commune belge de Ferrières en province de Liège.
[3] Marguerite de Parme ou Marguerite d’Autriche, en italien Margherita d’Austria (née à Audenarde le 5 juillet 1522, morte à Ortona le 18 janvier1586), duchesse de Parme et de Plaisance, est une fille naturelle de Charles Quint qui fut gouvernante des Pays-Bas de 1559 à 1581.
[4] Ernest de Bavière, 89e évêque de Liège, fils d’Albert V, duc des deux Bavières et comte palatin du Rhin, et d’Anne d’Autriche, fille de l’empereur Ferdinand Ier, naquit le 17 décembre 1554 et mourut le 17 février 1612, au château d’Arnsberg en Westphalie. Le cumul des dignités ecclésiastiques n’était pas rare à cette époque; Ernest nous en fournit un curieux exemple. Pourvu de l’évêché de Freisingen dès l’âge de onze ans (1565), il obtint en outre, en 1575, celui de Hildesheim; le 30 janvier 1581, il fut élu évêque et prince de Liège; le 11 février suivant, prince-abbé de Stavelot, et dans le courant de la même année, prévôt de Magdebourg; le 23 mai 1583, archevêque-électeur de Cologne; enfin, évêque de Munster en 1585, en remplacement de Guillaume de Meurs, duc de Clèves et de Juliers, qui venait de renoncer à son diocèse pour se marier. C’est ainsi que l’appât du pouvoir temporel introduisait des abus dans le régime de l’Eglise ; ajoutons que notre prélat quitta ce monde sans avoir été sacré.
Source : http://perso.infonie.be/liege06/16seizem.htm
[5] La famille de Courty, dont plusieurs branches habitent actuellement diverses parties de France, est l’une des plus anciennes maisons nobles de ce pays; elle est originaire du Liégeois. Elle a emprunté son nom au bourg de Courtils ou Cortils, situé près de Montenaken, dans le pays de Liège, dont le nom s’écrivait anciennement Courtils, et s’écrit aujourd’hui Courty.
Source : Le nobiliaire universel : ou Recueil général des généalogies historiques et véridiques des maisons nobles de l’Europe, Volume 3 – vicomte Ludovic de Magny – Institut Héraldique, 1836
[6) Seigneurerie de Rolley (ou Rollé), sur la commune de Bertogne
[7) L’ordre royal et militaire de Saint-Louis est un ordre royal, puis ordre dynastique, français créé à Versailles par Louis XIV le 5 avril 1693. L’appartenance à l’ordre était matérialisée par une croix, « la croix de Saint Louis ». Le Roi était le grand maître de l’ordre, et son administration fut confiée à un conseil formé de Grand-croix et de chevaliers. À l’instar de l’ordre civil de Saint Michel, l’ordre militaire de Saint Louis ne nécessitait pas d’être noble; il fallait cependant avoir servi au moins dix ans dans les armées comme officier ou sous-officier et, une décennie après la révocation de l’édit de Fontainebleau, prouver sa catholicité. Source Wikipedia