Le saviez-vous ?
- Les premiers pas de la résistance belge organisée datent de fin septembre 1939, soit quelques jours seulement après l’envahissement de la Pologne par les troupes allemandes et la déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne, le 3 septembre 1939.
- La première mission aérienne d’infiltration d’agent en Europe occupée a été tentée en Belgique en août 1940.
Ces deux faits, uniques dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, sont en fait étroitement liés.
Comment ces deux événements peuvent-ils être liés, alors que, d’une part, la Belgique n’était pas en guerre et que, d’autre part, elle était bien battue et entièrement occupée [1]?
La prévoyance britannique
En Belgique, dès la déclaration de la guerre, sans toutefois y mettre vraiment les moyens, les services secrets britanniques tentèrent de mettre en place un service qui, comme lors de la première guerre mondiale, pourrait leur fournir des renseignements.
A Bruxelles, le chef de station du Secret Intelligence Service (SIS [2]) était le colonel Edward Calthrop. Sous ses ordres opéraient 2 hommes, Cecil de Sausmarez alias “Blackwood” et John Barnes-Stoot, alias “Captain Daniel”. L’attaché militaire de l’ambassade, le colonel Blake, complétait ce petit groupe.
Dès fin 1939 donc, avec des moyens dérisoires, ils tentèrent de créer un réseau d’information susceptible de pouvoir travailler en territoire occupé. Pour ce faire, ils rencontrèrent beaucoup de monde et plus particulièrement les anciens membres du réseau de la “Dame Blanche” [3] de Walthère Dewé [4], célèbre réseau de renseignement de la première guerre mondiale.

Et, en effet, dès la fin septembre 1939, à son initiative, Walthère Dewé [5] réunit certains d’entre eux (dont notamment Herman Chauvin, 63 ans, et Thérèse de Radigues, âgée à ce moment de 75 ans).
Ensembles, ils forment un nouveau service, le “Corps d’Observation Belge”, qui deviendra plus tard le réseau “Clarence-Cleveland [6]”.
Un plan problématique

Cependant, avec l’invasion et le départ forcé, mi-mai, de l’équipe du Colonel Calthrop, les agents potentiels laissés sur le sol belge n’avaient aucun moyen efficace de communiquer avec Londres, pris dans une situation assez différente de la situation de la première guerre mondiale. Le SIS s’aperçut rapidement que le plan mis en place par Calthrop et ses hommes était assez problématique.
Gambier-Parry [7], directeur des communications secrètes du SIS, arriva assez rapidement à cette conclusion:
Cependant, avec l’invasion et le départ forcé, mi-mai, de l’équipe du Colonel Calthrop, les agents potentiels laissés sur le sol belge n’avaient aucun moyen efficace de communiquer avec Londres, pris dans une situation assez différente de la situation de la première guerre mondiale. Le SIS s’aperçut rapidement que le plan mis en place par Calthrop et ses hommes était assez problématique. Gambier-Parry [7], directeur des communications secrètes du SIS, arriva assez rapidement à cette conclusion:
“The […] lesson was that stay-behind schemes planned in Belgium ‘under pre-invasion conditions suffered the handicap that these conditions became revolutionised after occupation by the ennemy’, and that the ‘subsequent infiltration’ of agents was a much more successful procedure.” [8]
“La […] leçon était que les projets « rester en arrière » , prévus en Belgique “dans des conditions de pré-guerre souffraient du fait que ces conditions s’étaient radicalement transformées après l’occupation par l’ennemi” et qu’une “infiltration ultérieure” d’agents constituait une procédure bien plus réussie”.
<< A suivre >>
Notes et références
[1] Rappelons que la Belgique n’entra en guerre que le 10 mai 1940 et que l’armée belge, isolée par la retraite brutale de l’armée anglaise vers Dunkerque et à bout de munitions, avait capitulé le 28 mai 1940. D’autre part, en août 1940, une partie du gouvernement belge en exil se trouvait toujours en France libre. Le ministre Camille Gutt ne rejoignit Londres et Albert de Vleeschauwer que le 8 août, MM. Spaak et Pierlot n’arrivant que le 22 octobre 1940.
[2] Le Secret Intelligence Service (SIS), également connu sous la dénomination de MI6 (à l’origine Military Intelligence [section] 6), est le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni. Il existe au Royaume-Uni deux principaux services de renseignements :
- le MI5 a pour mission de protéger le Royaume-Uni de toute attaque intérieure au pays ;
- le MI6 a pour but de protéger le pays de toute attaque terroriste extérieure au pays et de conduire des activités d’espionnage à l’extérieur du Royaume-Uni, contrairement au MI5 chargé de la sécurité à l’intérieur des frontières.
Le MI6, comme le MI5, fut créé en octobre 1909 lors de la fondation du Secret Intelligence Service, dont il est l’un des départements. Son premier directeur fut Sir Mansfield Smith-Cumming (1859-1923), qui, abandonnant fréquemment le « Smith », utilisait son initiale « C » comme nom de code. Cet usage fut perpétué par tous les directeurs du SIS qui lui succédèrent. Ian Fleming reprit cet usage en utilisant, comme nom de code du chef de son célèbre agent secret James Bond, la première lettre du prénom de Sir Mansfield, “M”.
[3] La Dame blanche est un réseau de renseignements de la Première Guerre mondiale. Il fut fondé en 1916 par Walthère Dewé et travaillait pour les services du War Office britannique. Vers la fin de la guerre, ses 1.300 agents couvraient la Belgique occupée, une partie du nord de la France et du Grand-Duché de Luxembourg.
[4] Walthère-Joseph-Charles Dewé, né à Liège le 16 juillet 1880 et mort à Bruxelles le 14 janvier 1944, est un résistant belge. Ingénieur de formation, il fonda et dirigea deux grands réseaux de renseignements clandestins au cours des deux guerres mondiales: La Dame blanche en 1916 et le réseau Clarence en 1940. Il est abattu par un officier allemand au cours d’une mission en 1944.
[5] Bernard Henri – “Un géant de la Résistance: Walthère Dewé” – Ed. La Renaissance du Livre
[6] Il faut noter le courage de ces personnages, par ailleurs déjà assez âgés (W. Dewé a 59 ans en 1939) car, en effet, plusieurs ouvrages avaient tout dévoilé, durant l’entre-deux guerre, sur les identités et activités des résistants du réseau de la Dame blanche. Ces ouvrages étaient bien connus des services de contre-espionnage allemands et pas mal d’anciens de la Dame blanche durent passer dans la clandestinité dès le tout début de la guerre.
[7] Recruté en 1938, le Brigadier Sir Richard Gambier-Parry était à la tête du MI6 Section VIII (SIS Communications), la section en charge de toute forme de communication secrète. Il avait, à l’origine, à redresser et à moderniser entièrement le service. Gambier-Parry et son équipe, basée à Whaddon Hall, seront “la voix d’Ultra” des Alliés, Ultra étant le nom de code du résultat de tout décryptage des communications ennemies (la plupart codées grâce à la fameuse machine Enigma).
[8] Keith Jeffrey – MI6: The History of the Secret Intelligence Service 1909-1949