Les temps présents ne sont pas des plus roses et, à la réflexion, je me faisais grief d’avoir, sans doute, quelque peu, contribué à la morosité ambiante par mon article sur l’épidémie de 1906. Lire à ce sujet « Une épidémie en Ardenne en 1906″.
J’étais donc à la recherche d’un sujet plus jubilatoire quand l’actualité (celle très relative de l’historien) se rappela à mon attention.
On en sait maintenant plus sur la scandaleuse agression d’un honorable négociant de chez nous, survenue à Sommerain, le mardi 8 novembre 1908.
L’Avenir du Luxembourg du 14 novembre avait été fort succint (lire « Agression à Sommerain »); l’édition du 16 novembre nous apporte plus de détails.
Rettigny – Acte de banditisme.
« La nuit du 6 au 7 courant [1], vers 10 1/2 heures, le nommé Albert Nirvalet [2], négociant en grains et pommes de terre, revenant de Courtil [3], venait de quitter le village de Sterpigny et se trouvait à une distance de 4 à 500 m de celui-ci, sur le territoire de Rettigny, lorsqu’il fût attaqué, terrassé et traîné dans le fossé, et délesté de son portefeuille contenant une somme de 720 francs en billets [4].
Ce fut dimanche seulement qu’il porte plainte à la gendarmerie de Gouvy.
Comme il s’était trouvée en compagnie de deux hommes, ceux-ci furent interrogés mais ils purent établir leur parfaite innocence.
Un simple détail devait bientôt mettre sur la trace du coupable. Un jeune individu nommé B… F.-J. [5], âgé de 16 ans, né à Taverneux et domicilié à Sommerain, avait échangé deux billets de 20 francs à quelques jours d’intervalle.
Le commandant de la brigade ayant eu vent de la chose, dirigea ces recherches de ce côté. Il mit B… en état d’arrestation, le trouva porteur d’une somme de 312 fr. 90 et l’ayant pressé de questions, lui fit avouer être l’autre (sic – auteur NDLR) du vol.
B… reconnut avoir enlevé 350 francs du portefeuille et abandonné celui-ci sur les lieux de l’attaque, où il a en effet été retrouvé. Il aura sans doute été jeté là par un complice qui n’aura pas osé se servir de l’argent qu’il contenait encore : un billet de 500 Marks, 2 de 50 Marks et 5 de 20 francs [6].
Nirvalet, au moment de l’agression, était légèrement émêché : il cru t’avoir eu affaire à deux bandits. Il n’a reçu qu’une égratignure au cours de la lutte qu’il a eu à soutenir.
B… est un gaillard qui promet. Malgré son jeune âge il avait déjà été condamné pour coups au commencement de l’année par le tribunal de Houffalize, été mis à la disposition du Gouvernement [7] , mais il interjeta appel et bénéficia d’un acquittement.
Il a été écroué à Marche. Son complice est activement recherché.
Félicitons M. le commandant de la brigade de Gouvy qui, cette fois encore, a fait preuve de beaucoup de sagacité. »
Arrestation du complice
« Rettigny – le vol de grand chemin. – Nous avons relaté le vol dont fut victime, la nuit du 6 au 7 novembre, entre Sterpigny et Rettigny, le nommé Albert Nirvalet. L’un des agresseurs, un appelé B…, de Sommerain, avait été arrêté et avait avoué, a fini, jeudi, par dénoncer son complice que la gendarmerie de Gouvy est allée cueillir. C’est un individu de Bâclain. »
Avenir du Luxembourg du 7 décembre 1908.
— Notes et références —
[1] La nuit du vendredi 6 au samedi 7 novembre 1908 et non le dimanche 8 novembre comme le laisse entendre l’article du 14 novembre.
[2] Voici notre A.N. de l’article précédent dénommé : Albert Nirvalet, habitant Sommerain. S’il ne semble plus y avoir de Nirvalet sur le territoire des communes de Houffalize et de Gouvy, ce nom n’est cependant pas étranger à la région car on trouvait déjà des Nirvalet à St-Hubert vers le milieu du XVIIIème siècle.
[3] La distance de Courtil à Sommerain est de plus ou moins 10 kilimètres. Albert Nirvalet fît cela dans le noir, par une nuit d’hiver.
[4] Malgré toutes mes recherches, je n’ai pu déterminer exactement quelle est la valeur actuelle de 720 francs belges. Certaines sources donne le franc 1910 à 2,69€, d’autres vont jusqu’à 4€. En tout état de cause, 720 fr. représente une somme énorme pour nos deux malandrins, sachant qu’un pain se paye 40 centimes en 1910.
[5] Le nom est donné en toutes lettres. Cependant, s’agissant du nom de familles habitant encore notre région, ce nom n’apparaîtra que sous cette forme abréviée. Nul n’aime apprendre l’existence d’une brebis galeuse dans son troupeau.
[6] On peut s’étonner de la présence de marks prussiens dans le portefeuille de M. Nirvalet. Mais il faut se souvenir de la proximité de la frontière prussienne à cette époque. Beho était le dernier village belge tandis qu’Aldringen se trouvait être le premier village de Prusse.
La commune de Gouvy avait également un tripoint, soit le point de rencontre de 3 frontières, entre le Grand-Duché de Luxembourg, la Prusse et la Belgique.
L’endroit est toujours matérialisé par la borne belgo-luxembourgeoise numéro 286 (en fonte) et la borne prussienne (en pierre) numéro 75.
Actuellement, ce point trifrontière se trouve à la rencontre de la frontière belgo-luxembourgeoise avec la limite communale entre Gouvy et Burg-Reuland (localisation : 50° 10′ 58″ N, 6° 01′ 29″ E). Source Wikipedia.
[7] Qu’est-ce que la mise à disposition du gouvernement? Il s’agit d’une décision prise par le juge qui implique que le condamné puisse être soit réincarcéré soit libéré à l’essai au terme de sa peine. Cette peine est réservée à des crimes majeurs avec risque de récidive.
