Il y avait donc, avant et pendant la guerre, le « moulin Grommersch« , suivant la coutume de nommer les maisons d’après le patronymes de leurs habitants.
Après guerre, on l’appella, petit à petit, le « moulin de l’Ermitage« . Nous avons vu que le moulin ne fut pas remis en fonction. Le bâtiment devint une ferme (ce qu’il était probablement déjà aussi précédemment). Les Libart y habitèrent jusqu’en 1961, date à laquelle les Marville virent louer la ferme.
Francis Marville s’en souvient très bien.
« Nous sommes arrivés à Tavigny, car c’était la commune de Tavigny, vers la Toussaint 1961,
Hubert Marville (Rahier 20/09/1933 – Bastogne 11/09/2014), mon papa, était originaire de Rahier et Marie Dewère, ma maman, de Hernonheid,
Je suis né à Rahier aussi, j’avais 1 ans quand nous sommes arrivés à l’ Ermitage. Nous sommes restés 9 ans et 3 autres enfants sont nés : Jean Claude (1962), Nicole (1964) et Huguette (1967).
Mes parents étaient fermiers.
Avant nous, les Libart ont loué l’Ermitage; j’ai eu l’occasion de connaître la maman en 1980. Je travaillais comme chauffeur livreur dans la boulangerie Bruyère à la Baraque de Fraiture. Elle habitait Herlinval, Warempage; elle était chez une de ses filles, je pense. Le papa était déjà mort.
Mes premiers souvenirs remontent vers 1966, quand nous allions à la soirée chez Mme Lambin qui habitait toujours à cette époque dans un baraquement en bois installé après la guerre près de la maison de Michel. Nous étions bien reçus; le bruit des pas sur le sol en bois me revient encore dans les oreilles. Elle était toujours habillée en noir. Nous redescendions à la lampe de poche quand elle voulait bien fonctionner.
En amont du moulin, à environ 400 mètres, le long du Ravel actuel se trouvait le dépôt d’immondices de la ville de Houffalize. Je suppose que l’ancienne ligne du tram faisait la frontière entre les communes de Tavigny et Houffalize. Je ne comprends pas pourquoi les immondices étaient déversées côté Tavigny.
Vers ces années, le tram ne passait déjà plus. Enfin, je ne l’ai pas vu passer mais j’ai encore vu les rails avant leur enlèvement. Nous allions avec mon frère jouer dans le tas de détritus; c’était dangereux. Quand nous rentrions, Maman criait; elle criait beaucoup. De la fumée sortait tous les jours du tas et, le soir, on pouvait voir la lueur des flammes par la fenêtre du moulin.
Les immondices amenaient des rats au moulin; c’était une calamité. Je me souviens d’une année ou tous les veaux de la ferme sont morts les uns après les autres. Peut être que ce n’était pas la cause, mais j’ai des doutes. Mon papa avait un chien, Sadi; c’était un chasseur de rats,
Mon père a même eu la rage là-bas. La vie n’était pas facile pour mes parents avec 4 enfants. Heureusement que c’était une ferme, les œufs et le lait nous ont bien nourris.
Il y avait plusieurs dépendances au moulin. Nous n’avions pas accès à la pièce où se trouve encore le mécanisme du moulin maintenant; la porte était barricadée. En face, près du ruisseau, il y avait un long hangar plein de vieilles machines. On pouvait les voir par une fenêtre mais interdiction d’y entrer. Le cabinet, comme on disait, était dehors sur la fosse à purin, sur la droite dans la cour,
Il y avait aussi un grand hangar pour le foin sur la gauche. Vers 1968, je pense, moi et mon frère y avons bouté le feu. Un tracteur, 4 génisses et une moissonneuse batteuse, que mon papa avait achetée avec Georges Paquay de Taverneux, y ont péri. Quelle engueulade; « ne dites jamais que c’est vous qui avez mis le feu » nous a dit mon père. C’est la première fois que j’en parle, plus de 50 ans après.
Un jour, je dis à mon frère : « viens, on va aller chercher des frites ». C’était rare quand nous mangions des frites. Nous sommes donc parti à pied vers Houffalize; nous sommes arrivés à la friterie d’André Collin qui se trouvait à l’endroit du char au pied de la rue St Roc.
– « Bonjour Monsieur, nous voudrions des frites »
– « Vous avez des sous ? » nous rétorqua–il. « Retournez vite chez vous !!! »
Quand nous sommes rentrés au moulin, c’était branlebas de combat. J’ai ramassé la plus grosse fessée de ma vie.
Le dimanche d’après : « Bonjour les enfants, vous voulez quelle sauce sur vos frites ? » Nos parents nous avaient offert les frites tant convoitées.

En été, mon frère et moi allions souvent à l’école à pied. Pour partir, après la maison de chez Lambin, nous descendions vers la Fosse d’ Out, l’hôtel n’existait pas encore à cette époque. Il y avait la piscine communale à cet endroit. Nous passions devant l’ancien arsenal, l’atelier du tram. Nous allions à l’école de l’Etat. Pour revenir, nous remontions par la route de Bastogne, quand parfois mes parents avaient le temps. C’était plus facile par là avec la voiture pour nous reprendre.
Madame Darte en gardienne, Madame Hampert et Monsieur Raimond Lambert en primaire étaient mes instituteurs. J’ai terminé ma 5ème primaire à Samrée où mes parents ont acheté une ferme fin 1970. »
Francis Marville, Wibrin, le 28 mars 2020.
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