La création de la commune de Nadrin en 1903 ou quand Nadrin ne s’entendait plus avec Wibrin.
Actuellement comprise dans la commune de Houffalize, la commune de Nadrin était une commune à part entière avant la fusion des communes de 1977. Elle n’était pas si ancienne que cela, cependant. Rattachés à la commune de Wibrin sous la période française, les sections de Nadrin, Ollomont et Filly s’en séparèrent en 1903.
Pourquoi donc cette séparation et cette création de nouvelle commune ?
Etait-ce si fréquent à l’époque ?
Créations et suppressions de communes
De 1831 à 1903, seules 4 communes ont été supprimées en Belgique dont la commune de Battignies réunie à la ville de Binche. Par contre, de 1893 à 1903, une vingtaine de « hameaux du pays » ont été érigés en communes en vertu de diverses lois : dans le Luxembourg, entre autres, Bellevaux dans la canton de Bouillon, Grandvoir et Libramont dans le canton de Paliseul.
Le « Journal de Bruxelles » du 8 février 1903 indique que « M. de Trooz [1], ministre de l’Intérieur et de l’instruction publique, vient de déposer plusieurs projets de loi portant érection de communes nouvelles : […] 3o Les sections de Nadrin, Ollomont et Filly sont séparées de la commune de Wibrin (Luxembourg) et érigées en commune distincte sous le nom de Nadrin.«
Mais pour quelles raisons ces villages furent-ils séparés ?
« L’Avenir du Luxembourg » du 27 juillet soulève une partie du voile.
« Voici le texte du rapport présenté au nom de la Commission de l’Intérieur et de l’Instruction publique, chargée d’examiner le projet de loi portant érection de la commune de Nadrin par M. le Baron A. d’Huart [2]:
Trois sections faisant actuellement partie de la commune de Wibrin (Luxembourg), les sections de Ollomont, Filly et Nadrin demandent à être érigées en une commune distincte sous le nom de Nadrin.
Leurs intérêts, trop peu représentés par leurs trois seuls conseillers communaux sur les neuf qui composent le conseil de Wibrin, sont souvent sacrifiés et malgré cette forte majorité de la commune-mère, le Conseil Communal a, à deux reprises différentes, voté la séparation demandée par beaucoup d’habitants des sections; c’est dire que la nécessité de cette séparation s’impose, l’entente entre les diverses parties devenant impossible.
Quant à la question financière, les trois sections qui formeraient la nouvelle commune ont leur budget et leur comptabilité séparée, des bois communaux qui leur appartiennent et dont le revenu excéderait de 600 Francs les dépenses ordinaires. Leurs chemins sont en bon état et leur système scolaire est parfaitement organisé; les seules dépenses qui leur incomberaient du fait de la séparation seraient celles qu’entraineraient l’organisation du Conseil communal de Nadrin car, en ce qui concerne l’église et le presbytère à construire, on ne peut les mettre en question. Ces trois sections forment, depuis assez longtemps déjà, une paroisse séparée et la construction de l’église et du presbytère est décidée et votée et sera faite quelle que soit la détermination quant à la séparation.
Toutes les autorités consultées ont donné un avis favorable à l’érection de la commune de Nadrin, sauf M. le commisaire d’arrondissement et encore, tout en ne croyant pas devoir s’y rallier, il avoue qu’un grand nombre de raisons très sérieuses militent en faveur de cette érection.
En présence de ces raisons et du voeu presque unanime des populations, votre Commission à l’unanimité a l’honneur, Messieurs, de vous demander d’adopter le projet de loi qui vous est proposé et qui a été voté à la Chambre sans discussion, par 90 voix contre 21.«
Le 25 juin 1903, « Le Soir » nous annonce la création de la commune:
« Dans un rapport qu’il vient de déposer sur le bureau de la Chambre, M. Henry Delvaux [1] conclut à l’adoption du projet érigeant en une commune la section de Nadrin, Ollomont et Filly (Luxembourg), dépendante de la commune de Wibrin.«
En séance du 8 juillet 1903 de la Chambre des Représentants, eut lieu une « discussion générale et vote, par appel nominal, du projet de loi portant érection de la commune de Nadrin (province de Luxembourg) »[4].
La commune fut de fait créée le 10 août 1903.
La nouvelle commune connut cependant quelques débuts difficiles.
Le 15 novembre 1903, le journal « Le Patriote » rapporte :
« Les élections communales de Nadrin (nouvelle commune) sont annulées; le conseil communal de Wibrin fixera la date des nouvelles élections dans cette commune.«
L’article n’explique pas les raisons de cette annulation mais l’Avenir du Luxembourg du même jour donne quelques explications complémentaires :
« Nadrin, nouvelle commune, tout a été irrégulier. La liste 1, élue, a été présentée irrégulièrement. Les élections sont annulées. »
Suite à une nouvelle élection, par arrêtés royaux des 31 décembre 1903, 18 janvier et 27 février 1904, C. Bastin fut nommé bourgmestre à Nadrin et J.-J. Meternach [5] à Wibrin.
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[1] Jules Henri Ghislain Marie de Trooz est né le 21 février 1857 à Louvain et a étudié la philosophie avant d’entrer en politique. Il représenta Louvain à la Chambre des représentants à partir de 1899, étant ensuite ministre de l’Éducation puis de l’Intérieur. Il devint Premier ministre le 2 mai 1907 mais mourut le 31 décembre de la même année à Bruxelles.
Source Wikipedia
[2] L’état actuel des recherches n’a pas encore permis de déterminer s’il s’agissait d’Alfred d’Huart (Achêne 1839 – Bruxelles 1927) ou de son fils Albert (Bruxelles 1867 – Achêne 1937 , tous deux avocats et hommes politiques.
[3] Henry Charles Marie Adolphe, baron Delvaux de Fenffe, né le à Liège et mort le à Uccle, est un homme d’affaires et homme politique belge du Parti Catholique. Delvaux de Fenffe fut docteur en lettres et philologie en 1884 et en droit en 1885, à l’université de Liège.
Il fut élu conseiller communal de Bovigny (1890-1895), conseiller provincial de la province de Liège (1895-98), député de l’arrondissement de Bastogne (1898-1900), puis Arlon-Marche-Bastogne (1900-1908), en suppléance d’Emile Van Hoorde. En 1908, il est nommé gouverneur de la province de Liège, poste qu’il occupera jusque 1919. En 1919, déclinant le poste de gouverneur des cantons de l’Est (territoire qui sera rattaché peu après à la province de Liège) qui lui est proposé, il devint Haut-Commissaire royal, chargé de relever les immeubles détruits par la guerre dans les provinces de Liège, de Namur, de Luxembourg et du Limbourg. Enfin, il fut élu sénateur provincial (1926-1936), en suppléance d’Adolphe de Limburg–Stirum.
Il fut créé baron en 1919.
La famille Delvaux de Fenffe occupa au lieu-dit « Moulin de Cieru » (ou « Croix du Moulin », aussi « Croix de Cieru ») à Cierreux, un domaine repris par Charles Adolphe en 1863.
Source Wikipedia
[4] Belgian Chamber of Representatives • Session of 8 July 1903 …
[5] JJ Meternach était déjà bourgmestre en septembre 1896.