Grand Feu de Tavigny - 10.03.2012
Grand Feu de Tavigny – 10.03.2012

En cette période du « printemps météorologique » (fin février, début mars) reviennent, chez nous, des manifestations populaires de grande ampleur: ce sont les « Grands Feux ».

Alors qu’ils font partie de notre vie festive depuis toujours, il s’agit cependant d’un phénomène exceptionnel, une tradition typique de nos régions, issue de notre passé et qu’on ne retrouve nulle part dans les pays voisins.

Réapparus en force il y a une vingtaine d’années, ils ne cessent de s’étendre en Région wallonne. En fait, ils n’avaient jamais disparus. D’après l’asbl « Coqs d’Aousse » qui a réalisé une enquête sur le sujet, cette tradition est perpétuée dans la totalité des provinces de Namur et du Luxembourg, dans une partie des provinces du Brabant wallon, du Hainaut et de Liège, spécialement  dans les cantons germanophones. En Hainaut, la région du Centre connaît les « feureus » et l’ouest de la province les « feux de la St Jean », à une autre période de l’année (fin juin) mais toujours en relation avec des pics météorologiques (équinoxes, solstices).

Grand Feu de Tavigny - 10.03.2012
Grand Feu de Tavigny – 10.03.2012

Le Grand Feu consiste en un bûcher énorme – le plus énorme possible – formé de fagots, de bottes de paille, etc, recueillis dans toutes les maisons du village. Ce bûcher était toujours dressé aux mêmes endroits – un endroit fixé par la tradition – à un point culminant, une hauteur dominant toute la région, car il doit être aperçu le plus loin possible.

L’allumage des feux suit souvent un cérémonial bien précis : l’allumage est réservé aux  derniers mariés de l’année précédente ou par une personnalité que l’on veut honorer plus précisément.

Ces Grands Feux sont fondamentalement ruraux ; ils saluent la mort du bonhomme Hiver et l’avènement du printemps. Il s’agit d’une  réminiscence d’une antique cérémonie destinée à assurer la fertilité des champs. Ils sont fondamentalement ruraux. D’origine païenne, provenant au moins de la période celtique, se situant en période de Carême, les Grands Feux ont été, pendant des siècles, combattus par l’Eglise. D’autant plus qu’ils donnaient lieu à des agapes qualifiées de licencieuses à un moment d’abstinence et de continence.

L’Eglise en fit donc, chez nous, une adaptation chrétienne qui relève de la Légende Dorée[1] : les feux du premier dimanche de Carême seraient un souvenir des feux allumés pour retrouver l’Enfant Jésus que ses parents croyaient égaré, alors qu’il était resté au Temple, au milieu des docteurs.

Comment cette tradition populaire est-elle suivie ?

Si l’on compte un minimum de 100 personnes par grand feu, cela fait des centaines de milliers de participants se réunissant autour de ces buchers dressés pour brûler le Bonhomme Hiver, suspendu au sommet d’une perche.

Les Grands Feux sont organisés par des comités de jeunes du coin, avec la collaboration active et totalement bénévole des fermiers, des forestiers et de l’ensemble de la communauté villageoise, pour la coupe, la récolte et le transport du bois, l’édification du bûcher. Les Grands Feux présentent un exemple remarquable de « participation citoyenne ».

Seul ombre récente au tableau : la présence rendue obligatoire du Service d’Incendie sur les lieux avec une facturation de leur prestation à la clé, demandée aux organisateurs. Ce qui risque de plomber le budget des organisateurs dans certains (trop) petits villages.

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[1] Ouvrage rédigé en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine