
Sans doute vous souvenez-vous du reportage d’Anaïs, publié en juin de cette année !
Dans le cadre d’un travail sur la 2ème guerre mondiale pour son école primaire, Anaïs avait décidé de sortir des sentiers battus et d’aller à la rencontre de deux habitants de son village. Elle leur avait alors posé un certain nombre de questions très intéressantes sur la façon dont ces personnes avaient vécu ces événements.
Cet été, en dehors donc de toute obligation scolaire, Anaïs a repris son baton de pélerin, ses questions, son cahier et sa maman et est allé interviewer d’autres personnes.
Voici la première partie de ce long travail de notre plus jeune « chercheuse de mémoire« .
Bonne lecture !
Lors de cette deuxième partie, j’ai interrogé Irène Martin (IM), Gilbert et Irma Dethor (G&ID), Jean (JC) et Adolphe (AC) Calbert, Éliane Voets (EV) et Aimé Octave (AO).
Ils habitaient tous Nadrin pendant la guerre.
Quel âge aviez-vous quand la guerre a commencé ?
IM : 18 ans
G&I D : 14 et 12 ans
JC : 13 ans
AC : 11 ans
EV : 12 ans
AO : 6 ans
Où vous réfugiez-vous lors des bombardements ?
IM : Dans les caves.
G&I D : Dans la cave à patate.
JC : Dans les caves.
AC : Je n’ai pas subi de bombardement, seulement des mitraillages d’avions.
EV : Dans la cave.
AO : Dans la cave à betteraves avec les religieuses.
La vie était-elle différente qu’en temps de paix ?
IM : Bien sûr. De grands changements dans la nourriture qui était rationnée et on devait aller dormir à 21 heures maximum.
G&ID : On était rationné. Il y avait des « timbres »pour le sucre, la farine,…
JC : Oui. La vie était différente parce qu’il y avait des restrictions alimentaire et de circulation. Il fallait mettre des « stores ».
AC : Oui, il y avait beaucoup de mendiants .On se méfiait de tout le monde, il y avait aussi des vols dans les champs de pomme de terre et de froment.
EV : Oui, on avait des timbres de rationnement.
AO : Oui, il fallait qu’on achète tout avec des tickets de rationnement (café, chaussures, sucres,…). Mon père a du livrer une bête pour la distribution dans le village.
Pour vous nourrir, était-ce difficile ?
IM : Oui, même si on avait les tickets de ravitaillement et les patates que l’on plantait.
G&ID : Oui parce qu’il y avait des restrictions alimentaires.
JC : Non parce que l’on produisait beaucoup nous même.
AC : Nous n’avons jamais manqué de pommes de terre, de pain et de beurre.
EV : Non, ça allait car on avait une vache, un cochon et un jardin.
AO : Oui parce qu’on manquait de tout .Mon père a été prisonnier à Arlon car il n’avait pas livré de bête à l’armée allemande à temps.
Avez-vous vu des combats ?
IM : Non
G&ID : Non en 40 mais oui avec les bombardements à l’offensive.
JC : Oui en 44-45, le point haut de la Baraque de Fraiture et 30 km aux alentours.
AC : Oui, pendant l’offensive des Ardennes.
EV : Quelques bombes sont tombées derrière la maison et toutes les fenêtres ont volé en éclat.
AO : 1 soldat américain de 18 ans s’est fait tuer dans la prairie derrière chez nous. Il avait perdu ses deux jambes.
Comment se comportaient les Allemand avec vous ?
IM : On n’en voyait pas tellement. On envoyait plutôt les garçons dehors et les filles restaient à l’intérieur
G&ID : On ne les fréquentait pas, on les évitait.
JC : Il y avait les soldats de la Wehrmacht qui se comportaient bien .Pas comme les SS.
AC : Nous les regardions du coin de l’œil
EV : Ils étaient corrects.
AO : Chez Julien Garroy, les Américains venaient au-devant de la cave et disaient « Are Boches here ? »
Connaissez quelqu’un qui a été prisonnier ?
IM : Paul Toussaint et Gustave Mawet.
G&ID : Non, personne
JC : Oui, Josette Lambert, Léon China, Jules et Joseph Michel.
AC : Nos deux cousins Jules Michel et Joseph pour lesquels j’ai porté un colis 1 fois par mois à la Croix Rouge.
EV: Emile Remy.
AO: Victor Calay.
Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du débarquement ?
IM : On était content .On a fait la fête.
G& ID : On a espéré que ça allait marcher.
JC: Enormément de joie et de satisfaction.
AC: De la joie et nous avons espéré que le lendemain les Américains seraient déjà là demain.
EV: On était content.
AO: J’étais trop petite pour me souvenir de ça.
Quand l’avez-vous appris?
IM : Le lendemain.
G&ID : Le lendemain
JC: le lendemain ou les jours suivants
AC: je ne me souviens plus
EV : Je ne me souviens pas du jour.
AO : Je ne me souviens pas du jour.
Avez-vous des souvenirs particuliers ?
IM : On n’a pas eu de jeunesse. Et 5 années difficiles. Les Allemands réquisitionnaient tout.
G&ID : On a dormi dans la cave à patate avec des religieuses. J’ai entendu le pont de Nisramont sauter et depuis son lit mon père a dit « c’est grave ils ont fait sauter un pont. »
JC: A l’offensive von Rundstedt, des moments de peur et d’angoisse suite au bombardement intensif.
On allait à Bruxelles apporter du beurre, du pain et des œufs à notre grand-mère .Un jour dans le train entre Marloie et Bruxelles, il y a eu un contrôle. Sur la même banquette que nous, il y avait Mr le curé Mayanne. Nous avons caché le pot de beurre de 10 kg sous sa soutane. En arrivant à Bruxelles, Adolphe a dit « Pardon, Monsieur le curé, je vais reprendre mon pot de beurre ». Le curé dit « Vous êtes des pendards ; vous avez failli me faire fusiller ! »
AC: Pour Adolphe, j’ai écris à la fin.(NDLR: ce texte fera l’objet du 2ème article d’Anaïs).
EV: En 45, on allait soigner un cochon qu’on avait à Ollomont. Pendant la soirée, on a entendu mitrailler, c’était les Américains qui passaient. Le lendemain, le cochon avait disparu !!
Les Allemand m’ont volé ma machine à coudre et j’ai été réquisitionnée par eux pour assurer une partie de la préparation des repas. Je devais plumer des poules en quantité. Parfois quand ils partaient en patrouille, les vivres restaient là et il fallait les manger.
En 45, pendant les bombardements, nous étions beaucoup dans la cave .Un Allemand est arrivé et a essayé de dormir. Il est mort à côté de moi.
AO : Irma et Irène faisaient leurs communions ce printemps là (en 40). Maman avait fait des tartes et dans la journée, on a évacué. Quand on est revenu, quelques jours plus tard, tout avait disparu.
A la libération, des Américains sont venus et sont restés quelques jours. Je me tenais près du crapaud. Un Américains disait toujours « Vous petite sœur à moi » car il trouvait que je ressemblais à sa petite sœur.
Anaïs
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