La mission
Coghlan et Leenaerts partirent de Ringway dans le courant de la matinée du 17 août 1940. Ils atterrirent sur l’aérodrome de Manston [1], près de la côte, ou, par chance et pur hasard, ils rencontrèrent l’ancien mécanicien de John au Squadron 56, Eric Clayton.
Eric Clayton survécut à la guerre et raconta ses souvenirs dans un livre dans lequel il parle à plusieurs reprises de John Coghlan. Ainsi le passage de Coghlan et de Leenaerts à Manston put être retrouvé.
“The station was spared from attack on the 17th August, so we made good progress with the repairs. At the end of the day, I walked to the nearby communication hut to telephone our progress to the squadron at North Weald. I had just completed the call, when a Lysander landed nearby and taxied up to the hut. The engine was switched off and two figures emerged and came towards us. A stocky figure in white flying overalls was followed by a smallish man wearing a brown leather jacket and black beret. It was F/L Coghlan, DFC. and his passenger who was a Frenchman. We were both pleasantly surprised to see each other, for we had had little contact since his transfer to A Flight and none since his posting from 56. He introduced me to his passenger, who said little, and then inevitably the question arose, ‘What are you doing here’? From his guarded remarks, it was clear that he was going to drop his passenger into France who, it was equally clear, was an agent. While they had a cup of coffee we chatted pleasantly, then as twilight turned to darkness, he said it was time to go. I walked outside with them, shook hands and wished them ‘Good luck’. They took off in the gathering darkness and headed towards France; it was the last I saw of Slim Coghlan; indeed mine was the last friendly face that he saw. For, I later learned that on landing, on this his first clandestine mission, he and the Frenchman were captured and shot. A brutal end to a brave man. “[3]
La station [4] avait été épargnée par les attaques du 17 août, donc nous avons fait de bons progrès avec les réparations. A la fin de la journée, je me dirigeai vers la cabane de communication à proximité pour annoncer par téléphone nos progrès à l’escadrille à North Weald, Je venais de terminer l’appel quand un Lysander atterrit à proximité et roula jusqu’à la cabane. Le moteur se coupa et deux hommes en émergèrent et se dirigèrent vers nous. Un homme trapu en combinaison de vol blanche était suivi par un homme plutôt petit, portant une veste en cuir marron et un béret noir. C’était le F / L Coghlan, DFC. et son passager, qui était Français. Nous étions tous deux agréablement surpris de nous revoir l’un, l’autre car nous avions eu peu de contacts depuis son transfert au Flight « A » et aucun depuis son affectation au Squadron 56. Il m’a présenté à son passager, qui parla peu, et alors inévitablement la question s’est posée: «Que fais-tu ici ? ». De ses réponses prudentes, il était clair cependant qu’il allait déposer son passager en France, passager qui, c’était clair également, était un agent. Tout en buvant une tasse de café, nous avons bavardé agréablement et lorsque le crépuscule se changea en ténèbres, il me dit qu’il était temps de partir. Je suis sorti avec eux, leur ai serré la main et leur ai souhaité «Bonne chance». Ils ont décollé dans la nuit tombante et se sont dirigés vers la France ; c’était la dernière fois que je vis « Slim » Coghlan. Et je fus le dernier visage amical qu’il vit car j’appris plus tard qu’à l’atterrissage, lors de sa mission clandestine, le Français et lui furent capturés et fusillés. Une fin brutale pour un homme courageux.
Coghlan et Leenaerts franchirent la Manche. Leur route n’est pas connue. Peut-être descendirent-ils la côte anglaise jusque Douvres puis franchirent-ils la côte française entre Calais et Dunkerque pour se diriger ensuite vers Momignies. Cet itinéraire avait pour avantage de minimiser le temps passé au-dessus de l’eau. Plus tard, les opérations par Lysander partiront de la base de Tangmere dans le Chichester, les pilotes prenant la côte britannique comme repère pour entrer en France entre Calais et Boulogne-sur-Mer.
Leenaerts devait être déposé près de la ferme de la Marlière.
D’après Noël Anselot [5], il semble bien que le Lysander ait atteint bien son but. Cependant, le F/Lt Coghlan s’aperçut que le champ sur lequel il devait atterrir avait été labouré.
Atterrir autre part lui parut probablement trop aléatoire et, en pilote responsable de son précieux passager, il décida alors de revenir.
Mais l’avion ne parvint jamais en Angleterre.

Coghlan et Leenaerts furent portés disparus le 18 août 1940, puis présumés morts le 21 septembre.
Quelques semaines plus tard, la mer rendit le corps du F/Lt Coghlan.
Il est enterré au cimetière de l’Est à Boulogne-sur-Mer. Henri Leenaerts, quant à lui, ne fut jamais retrouvé.
— Notes et références —
[1] Francis K. Manson, Westland Lysander, Profile Publication n° 159
[2] RAF Manston : base aérienne de la RAF située dans le Kent, près de la mer, à peu près en face d’Odtende. L’aérodrome fut sévèrement bombardé à plusieurs reprises pendant la Bataille d’Angleterre.
[3] Eric Clayton ‘What if the heavens fall: reminiscences of 56(F) Squadron in the Battle of Britain’ (Private 1993)
[4] Il s’agit de l’aérodrome de Manston.
[5] Noël Anselot – « La guerre des services secrets (S.G.A.R.A.) – Renseignement et action – dans les deux Luxembourg et à leurs confins » – Ed. Éole, Ortho (La Roche), 2001.