John Coghlan
Le Flight Lieutenant [1] (F/Lt) John Coghlan, lui, est mieux connu. En août 1940, c’est déjà un as de guerre.
John vient d’une famille originaire du Southsea dans le Hampshire.
Il est né le 7 septembre 1914 à Shanghai dans la province du Kiangsu en Chine
Il rejoint la Royal Air Force en janvier 1936.
Il est affecté au 7 FTS (Fighter Training School) de Peterborough le 18 avril puis rejoint le Squadron [2] No 1 à Tangmere [3] le 25 octobre de cette même année.
“He was a short, heavily built man with dark hair brushed straight back and a large moustache. He was a friendly, amusing and unflappable character; overweight and unfit, he perspired freely and had a prodigious intake of ale” [4].
En apparence, c’était un homme de petite taille mais solidement bati, aux cheveux bruns foncés coiffés en brosse, avec une large moustache. Il avait un caractère amical, amusant et imperturbable; il souffrait d’un certain surpoids et n’était pas très en forme, il suait beaucoup et il était capable d’ une prodigieuse consommation de bière.
Quand le Squadron 72 fut reformé [5] à Church Fenton en février 1937, Coghlan y fut affecté mais il revint au Squadron No 1 en mars 1938. Il rejoignit ensuite le Squadron 56 à North Weald [6] à la déclaration de la guerre en septembre 1939.
Il prit le commandement du Flight ‘A’ [7] juste avant le départ du Squadron pour la France en 1940.
A cette date, il avait 25 ans.

Mi-mai 1940, John Coghlan endommagea 2 Messerschmitt Bf 109, détruisit probablement un bombardier Heinkel 111, le 19 et partagea la destruction d’un autre le 27 près d’Ostende. Deux jours plus tard, il endommagea 2 bombardiers Junkers 88 au-dessus de Dunkerque puis le Squadron fut envoyé à Digby [8] en Angleterre pour se reposer.
Dans un des combats aériens, ayant épuisé les 8 mitrailleuses de son Hurricane, il vida également le chargeur de son Browning sur l’ennemi, gagnant ainsi le surnom de “Nine Gun”.
Le 5 juin, la situation sur le sol français empirant, le Squadron est à nouveau basé à North Weald. Coghlan abat un Dornier Do 17 à 10 miles d’Orfordness le 3 juillet; le 10, un Messerschmitt Me 110, chassseur bimoteur, lui fut compté comme probable de même que 2 Bf 109 endommagés et le 13 juillet, au-dessus de Calais,il détruisit un Junker 87, le fameux Stuka, et un Bf 109 de plus.
Coghlan reçut la DFC [10] le 29 juillet 1940 avec la citation suivante :
“This officer has been a flight commander in his squadron on most of the recent patrols and has led the squadron on some occasions. At all times he has shown the greatest initiative and courage and has personally destroyed at least six enemy aircrafts.”[11]
« Cet officier a été commandant de flight de son escadrille dans la plupart des patrouilles et a mené son escadrille en plusieurs occasions. A chaque fois, il a montré la plus grande initiative et le plus grand courage et a personnellement détruit au moins 6 avions ennemis. »
C’est très probablement à ce moment là que Coghlan fut “repéré” par le SIS pour ses opérations naissantes car, le 3 août, il quitta brusquement le Squadron 56.
Le « 56 Squadron Operation Record Book » [12] indique qu’il fut transféré à la “Parachute Practice Unit” de Ringway, Manchester, transfert qui ne manqua pas de fortement troubler ses anciens compagnons car la Bataille d’Angleterre[2] venait juste de commencer et le Squadron 56 y participait pleinement.
« A lull ensued in early August, during which the indomitable Slim Coghlan was posted, it has been reported, « to RAF Ringway, where work was beginning on the creation of airborne forces ». […] In any event, the departure of Coghlan was a great loss.» [13]
« Une accalmie survint début août, pendant laquelle l’indomptable Slim Coghlan fut affecté, comme il est rapporté, « à la base de Ringway, où l’on commençait à créer des forces aéroportées ».[…] En tout état de cause, le départ de Coghlan fut une grande perte. »
En fait, Ringway, qui abritait la « N°1 Parachute Training School » crée le 21 juillet 1940, devenait également un centre d’entrainement pour les agents spéciaux [14].
Le logbook [15] de Coghlan s’arrête également le 3 août. Il ne comprend rien concernant son affectation à Ringway ni sur ses vols après cette date. A ce moment, il n’indique qu’une demi-heure de vol sur Lysander, en mars 1939. Entre le 7 août et sa mission, Coghlan s’entrainera probablement plusieurs fois sur Lysander. Hugh Verity [16], un autre pilote célèbre des Opérations Spéciales, reconnut plus tard qu’il lui fallu 1 mois pour en apprendre assez sur le Lysander. Coghlan eut une semaine !
Ce silence du logbook constitue une preuve supplémentaire de son enrôlement dans les opérations spéciales du SIS, celui-ci étant bien connu pour sa hantise du secret.
Les livres d’opérations du Flight 419 et des Squadrons 138 et 161 qui suivirent sont, en effet, un modèle de discrétion quant à la description des opérations et de leurs comptes-rendus ne donnant par exemple aucun nom des agents transportés; tout au plus, de temps à autre, leurs noms de guerre.
Nous sommes de plus au tout début des opérations spéciales, le SOE vient d’être créé le 22 juillet 1940. Des premières opérations, il n’est que très peu question dans les livres traitant de ce sujet; les National Archives britanniques sont elles-mêmes muettes à ce sujet.
La première opération de pick-up [17] « officiel » du 19 octobre 1940, la mission Schneidau, n’est rapporté dans le logbook du pilote que comme un « long range air test », un test aérien de longue distance. L’Operation Book du Squadron n’enregistre même pas ce vol. [18]
<< A suivre >>
— Notes et références —
[1] Flight lieutenant est un grade d’officier junior dans la Royal Air Force et dans les forces aériennes du Commonwealth. Ce grade était entre celui de “Flying Officer” et juste en dessous de “Squadron Leader”.
[2] Un “squadron” est une unité d’aviation qui effectue les tâches principales de la RAF.
[3] RAF Tangmere est un aérodrome de la Royal Air Force, célèbre pour son rôle dans la Bataille d’Angleterre, localisé près du village de Tangmere à environ 3 miles à l’est de Chichester dans le West Sussex.
[4] E Clayton – ‘What if the heavens fall: reminiscences of 56(F) Squadron in the Battle of Britain’ (Private 1993)
[5] Beaucoup de squadrons furent dissous à l’issue de la 1ère guerre mondiale. Un certain nombre d’entre eux furent ré-activés avec le réarmement anglais d’avant-guerre. En l’occurence, le Squadron 72, créé au Moyen-Orient en 1917, fut dissous en 1919 pour être reformé à Tangmere le 22 février 1937 sur Gloster Gladiator à partir du Flight « B » du Squadron n° 1.
[6] RAF North Weald, Essex, à une 40aine de km de Londres, fut une base aérienne importante pendant l’opération de Dunkerque et la Bataille d’Angleterre.
[7] Un “flight” est une sous-division du squadron. Les squadrons sont souvent divisés en 2 flights , par ex. « A » and « B », chacun sous le commandement d’un Squadron Leader.
[8] RAF Digby est une base de la RAF située dans le Lincolnshire qui sera utilisée comme base de repli et de repos pour les Squadrons en provenance du « front », la région de Londres.
[9] La Distinguished Flying Cross, ou DFC, est une décoration britannique créée le 3 juin 1918 et attribuée « pour un ou des actes de vaillance, de courage ou de dévouement accomplis en vol, au cours d’opérations actives contre l’ennemi ». À l’origine, cette décoration était réservée aux officiers et aux adjudants (Warrant Officers) de la Royal Air Force et des autres forces aériennes du Commonwealth, mais pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a été décernée aux officiers des autres armes, ainsi qu’à un certain nombre d’étrangers.
[10] La citation parut dans le London Gazette du 30 juillet 1940.
[11] Le rôle du “Operations Record Book” est:
(i) de fournir un enregistrement historique complet de l’unité depuis le moment de sa formation, incluant un enregistrement précis de chaque opération effectuée.
(ii) de collecter des informations pour un usage futur afin d’améliorer l’organisation, l’équipement et l’administration de la Royal Air Force.
[12] La Bataille d’Angleterre se déroula de juillet 1940 au printemps 1941.
[13] E Clayton – ‘What if the heavens fall: reminiscences of 56(F) Squadron in the Battle of Britain’ (Private 1993)
[14] Le No.1 PTS fournit l’entraînement initial de plus de 60.000 parachutistes alliés. En plus des troupes britanniques, des Américains, Belges, Canadiens, Tchèques, Néerlandais, Français, Norvégiens et Polonais s’entraînèrent à Ringway. Les agents du Special Operations Executive, tant hommes que femmes, suivirent également la formation de base sur cette base.
[15] Logbook = Carnet de vol
[16] Hugh Beresford Verity, né le 6 avril 1918 à la Jamaïque et décédé le 14 novembre 2001, est un officier et aviateur de la Royal Air Force. Fils de pasteur, Hugh Verity effectue ses études au collège Cheltenham, puis au Queen’s College (Oxford). Il apprend à piloter à l’University Air Squadron en 1938 et devient officier réserviste dans la RAF. Après diverses affectations en 1939-1942, il est nommé en 1943 commandant du Squadron RAF No. 161, escadrille spécialisée dans le transport, entre l’Angleterre et la France occupée, de résistants, d’agents du service secret Special Operations Executive et de personnalités (Jean Moulin, François Mitterrand, général de Lattre de Tassigny, etc), en utilisant des Lysander et des bombardiers légers Lockheed Hudson. Hugh Verity termine la guerre comme Wing Commander, responsable des missions SOE en Europe et plus tard de toutes les missions clandestines dans le Sud-Est asiatique.
[17] Pick-up = terme employé par la RAF signifiant dans ce cas « dépôt et ramassage d’agent en territoire occupé ».
[18] James Kightly, Westland Lysander, Orange Series, n° 8103