Engreux, le 1er février 1908

Li Béni Hesse

On nous écrit : « il y a quelques temps dans un article intitulé dans l’entre deux Ourthes, vous avez parlé de cet arbre antique la Bénie Hesse [1] qui se trouve entre Bonnerue et Vellereux.

Votre correspondant aurait pu profiter de l’occasion pour dire quelques mots du confluent des deux Ourthes, dont la Bénie Hesse n’est pas éloigné.

Cette lacune est d’autant plus à combler, que depuis quelques temps, votre journal, à propos des réponses aux charades, rébus etc, paroles d’exilée d’Engreux [2].

En effet, de pareils termes feraient croire que le pays d’Engreux est une Sibérie., ce qu’il est très loin d’être.

Engreux, en wallon Engret, se trouve à l’extrémité nord-ouest du canton de Bastogne [3] .

Bâti sur le penchant d’une haute colline, il est malheureusement trop peu connu des Luxembourgeois.

Mais par contre, il est fréquenté à la belle saison par une foule de touristes Liégeois et Bruxellois, voire même par des citoyens de l’Angleterre.

Ce qui attire ces derniers, c’est le paysage admirable du confluent des deux Ourthes.

A ce confluent, se rattache le souvenir historique d’une halte qui fit le roi des Eburons, Ambiorix [4], fuyant devant les légions de César.

Voici comment, un bastognard, Monsieur Joseph Collin [5], rappelle cela dans son livre « Dans la forêt ardennaise » [6] :

Par les dédales de la forêt, ils (Ambiorix et Cedrac, son guide) tombèrent le soir, sans trop savoir par quel prodige, au point de jonction des deux Ourthes.

« Je suis certain que Cergetorix [sic] lui-même ne parviendrait pas à deviner notre retraite », fit l’Ardennais en installant le roi dans une hutte délabré, adossé au dernier feuillet schisteux qui empêche les deux bras de la rivière de se souder plus tôt.

C’est ici que je suis né [7], nous pouvons y reposer un jour. »

Lester

– – – Commentaires – – –

Légende ou réalité que ce passage d’Ambiorix dans notre région ?

De mes souvenirs scolaires, j’avais retenu que le sort de ce célèbre roi celte n’était pas connu. Peut-être n’en fallait-il pas moins pour créer une légende ?

Sans doute aurions-nous plus d’informations en consultant ce livre ?

Mais où trouver un ouvrage datant de 1898 ?

Ce fut bien plus facile qu’imaginé : une recherche sur Internet et le livre apparu soudain… en vente dans une librairie de Soumagne.
Un clic ou deux, une carte bancaire à disposition et, une semaine plus tard, voici le précieux document arrivé sur les bords de l’Ourthe dont il parle dans ses pages.

D’emblée, soyons précis : il ne s’agit en rien d’une étude historique mais plutôt d’un bon roman rédigé avec toute l’emphase et le patriotisme de l’époque.

Donc, à mon grand regret, la présence d’Ambiorix sur le territoire d’Engreux ne correspond ni à une vérité historique, ni même à une légende des temps reculés.

Il n’empêche, c’est une belle histoire.

– – – Notes et références – – –

[0] En image de mise en avant, le Monument à Ambiorix, par Jules Bertin, sur la Grand-place de TongresPhoto Wikipedia.

[1] L’arbre Bénie Hesse : situé au sud de Bonnerue, « li béni hesse » ou « le hêtre béni », est un arbre remarquable pour son caractère paysager. Il affiche l’âge vénérable de plus de 400 ans et une circonférence de presque 8 mètres. Témoin de la ferveur populaire, son tronc creux dissimule une croix qui lui vaut son nom.
Source : www.pndo.be

[2] Référence à une lectrice du journal participant très régulièrement aux jeux proposés par le dit-journal et signant « Exilée d’Engreux ». La phrase est incorrecte syntaxiquement. Elle est bien rédigée de la sorte dans l’article de l’Avenir du Luxembourg.

[3] En Belgique, canton peut désigner de nombreux homonymes :

  • il ne faut pas confondre les cantons électoraux et les cantons judiciaires. Leur territoires ne correspondent pas nécessairement, bien que le juge de paix exerce un rôle au niveau électoral.
  • l’inspection scolaire a été organisée territorialement en cantons scolaires (examens cantonaux)
  • par le passé, des cantons de milice ont également existé.
    Source : Wikipedia

[4] Ambiorix est un chef des Éburons du 1er siècle av. J.-C., peuple belge du nord de la Gaule (Gaule belgique dans la terminologie antique).

Selon Jules César, il partage ce commandement avec Catuvolcos « roi de la moitié des Éburons ». Les Éburons sont établis « entre la Meuse et le Rhin » selon César, dans la région de Tongres — à l’époque Atuatuca Tungrorum, située « au centre du territoire » — ainsi qu’à Liège, dans l’Ardenne et en Campine.

Ambiorix inflige une cinglante défaite aux légions romaines en 54 av. J.-C., peut-être dans la vallée du Geer. Il passe pour un chef rusé, qui réussit à échapper à César.

[5] Nicolas Joseph Collin est né à Bastogne, le 25 janvier 1848.

Il est le fils de Philippe-Joseph , facteur de la poste aux lettres et de Marguerite Marie Forthomme.

Son grand-père se prénomme Nicolas Joseph et il est perruquier. Sa grand-mère est Lucie Paulus.

Joseph Collin a épousé Irma Cabeau, le 6 mai 1878 à Genappe (Brabant wallon).

Il est décédé le 4 février 1909 à Uccle et son épouse y est décédée en 1938.

Dix enfants sont nés de son union avec Irma Cabeau.

Nicolas-Joseph était pharmacien et homme de lettres.

Source : catalogue.servicedulivre.be

[6] « Dans la forêt ardennaise : L’invasion romaine », par Joseph Collin, éditeur : Office de Publicité / Société Belge de Librairie, 1898.

[7] Cedrac serait donc Sègne 🙂