3ème et dernière partie de la trilogie (provisoire ?) sur l’usine d’optique de précision Schaefer, racontée par Marie-Josée.

L’usine de  décembre 1960 à février 1971

M. Schaefer était un grand novateur pour l’époque. C’était un technicien remarquable avec plein d’idées et d’une grande valeur scientifique mais peut-être lui manquait-il un certain sens commercial et de l’organisation.

Au cours de ces années, l’usine connait des déboires :

  • Il a fallu du temps avant le démarrage : formation du personnel, installation des machines, livraison tardive de nouvelles machines et des matières premières.
  • Le décès de M. Louis Renard qui était un administrateur-délégué de grande valeur.
  • Il y a de trop grands stocks de matière première en attente de fabrication.
  • Des études pour des clients qui ne furent pas suivies de commande.
  • La faillite d’une société avec laquelle l’usine collaborait entraina une demande de remboursement de 500.000 frs reçue en avance sur une commande de la firme Van Berkel. La société ne put rembourser. Une action en justice fut intentée par Van Berkel qui demanda la vente de l’usine

Anecdotes     

  • L’usine est implantée près de l’Ourthe et il arrive qu’elle déborde. A chaque inondation, on passait du temps à sécher les moteurs et à nettoyer.
  • Comme l’usine occupe la remise aux voitures, les rails sont toujours dans le sol, et, lors des orages, il est préférable d’arrêter le travail car il n’est pas rare de voir la foudre courir sur ces rails.                                                                                                         

L’argent, nerf de la guerre

Tout au long de son existence, l’usine connait des problèmes d’argent.

  • En janvier 1963, la C.N.C.P. accorde un crédit supplémentaire de 300.000 frs pour achat de matériel et 200.000 frs en fonds de roulement.
  • Le 25 juin 1963, il n’y a plus d’argent; six membres fondateurs apportent chacun 50.000 frs pour augmenter le capital de la société.
  • En février 1964, la trésorerie du fonds de roulement est à zéro.
  • En juillet 1964, perte d’un mois de travail et donc de rendement car, par manque d’argent, l’usine a été privée de l’outillage d’ébauche et de montage.
  • En septembre 1964, pour assurer le fonds de roulement, les actionnaires acceptent de prêter 300.000 frs à la société.
  • En juillet 1965, un nouvel apport de 50.000frs est demandé à chaque actionnaire,                                                                                                         
  • Le 20 décembre 1966, lors de l’A.G. des actionnaires Messieurs Schaefer et Hébette proposent la dissolution de l’entreprise mais les actionnaires refusent à l’unanimité.

 Durant toutes ces années, des projets de fusion avec d’autres sociétés ont été envisagées, notamment avec Mouvet, Duchamp, Beseler. De 1964 à 1969, des projets avec Mégrafo et Van Berkel.  

Début 1969, la société n’a plus d’argent liquide et la firme Van Berkel demande le remboursement de 500.000 frs qu’elle avait donné en acompte sur une commande. La société ne peut pas rembourser. L’affaire est portée au tribunal

.Le 20 mai 1969, la société va vraiment mal. Une réunion a lieu à l’Hôtel Lebrun à Bastogne. Les participants sont le C.A de la société, des représentants d’Idélux  ainsi que M. Meunier (bourgmestre de Houffalize). Les délégués d’Idélux donnent lecture de leur rapport et des solutions proposées pour sauver l’entreprise : limiter les stocks des produits finis en procédant à leur vente ; trouver de nouveaux actionnaires, procéder à la nomination de 2 à 3 administrateurs parmi ces nouveaux actionnaires, demander au Ministère des Affaires Economiques l’aide pour les entreprises en difficulté.

Le C.A. marque son accord sur les propositions. Il décide d’essayer de rassembler un maximum d’argent frais. Des lettres sont envoyées à la population mais ne donnent qu’un engagement de 10.000 frs. De nouveaux actionnaires s’engagent potentiellement pour une somme globale de 600.000 frs.                                                                                                                       

En sa séance du 17 septembre 1969, le Conseil Ministériel de Coordination Economique et Sociale accorde un prêt de 3.500.000 frs à la firme Schaefer sous certaines conditions :

  • mise en gage de toute l’entreprise, y compris le matériel,
  • remboursement du prêt en 7 annuités de 500.000 frs à partir de 1971.

Conditions particulières :

  • Construction de nouveaux bâtiments dans les plus brefs délais sous l’égide Idélux,                             
  • Augmentation du capital à concurrence de 2.000.000 fr  en espèces,   
  • Renonciation par M. Schaefer de son mandat d’administrateur mais maintien de son poste de directeur technique,                   
  • Contrôle de l’utilisation des fonds par la S.N.C.I.et suivi de l’activité de l’entreprise.

Lors de l’AG du 15 octobre 1969, les actionnaires sont mis au courant des décisions du ministre des Affaires Economiques. On lance la demande de prêt nécessaire à l’achat d’un terrain et aux constructions. Poursuite des démarches pour trouver les 2.000.000 frs en espèces. M. Meunier a obtenu à ce jour, plus ou moins 1.000.000 frs. On constate qu’il n’est pas possible d’engager un gestionnaire financier à temps plein (salaire annuel d’environ 300.000 frs).

A l’A.G. suivante, les actionnaires sont informés que la firme Van Berkel exige, suivant l’exécution du jugement du tribunal, la vente-saisie pour le 30 décembre 1969. Afin d’éviter la saisie et n’ayant pas d’argent, les actionnaires décident à l’unanimité de demander de déposer une requête en concordat judiciaire.

Le concordat est homologué le 21 mars 1970. La société doit payer au commissaire Sevrin la somme de 16.666 frs chaque mois à partir du 21 avril 1970. Pour honorer ce remboursement mensuel, la société va cumuler les factures non payées, elle reçoit des rappels. En février 1971, le concordat est annulé et c’est la faillite.

C’est la fin de cette belle aventure houffaloize.

Marie-Josée Martin

— Notes et références —

M. Alfred Dubru était originaire de Houffalize et historien. Il a écrit de nombreux livres et fascicules sur Houffalize. En 1992, dans sa collection « Contribution à l’histoire de Houffalize, le fascicule sue la Société Anonyme d’Optique de Précision Schaefer porte le n° 10 et date de 1992.

— Sources —

  • Fascicule de M. Alfred Dubru « la Société Anonyme d’Optique de Précision Schaefer ».
  • Photos Collection Francis Glaude.
  • Photos Collection Joseph Dislaire.
  • Photos Collection Joseph Charneux.

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