Ces articles ont fait l’objet d’une précédente publication sur le site « Un canal et des Hommes » en décembre 2013.
Introduction
Quand on voit les moyens techniques et technologiques mis en œuvre dans les grands travaux d’infrastructure actuels, il est difficile de s’imaginer ou même de concevoir les conditions de travail des ouvriers et manœuvres du début du XIXe siècle.
A cette époque, et depuis la plus haute antiquité, tout travail se déroulait à force d’hommes et d’animaux et, donc, était régulé par les contraintes et les limites de ceux-ci.
Ainsi, dans le projet du canal de Meuse & Moselle, les deux tranchées du bief de partage ainsi que le souterrain qui devait les relier, furent creusées au pic, à la pioche et à la pelle1. Que ce fut ou non le fait de hotteresses2, que celles-ci fussent liégeoises ou non, les déblais furent évacués manuellement, oserons-nous dire.
Quelles étaient les conditions exactes du travail des journaliers sur le chantier du canal ?
Dans les années 1825-1830, nous ne sommes pas encore dans l’aliénation du travail et des ouvriers qui naîtra de la révolution capitaliste et industrielle de la seconde moitié du XIXe siècle.
Cependant, les conditions de travail en étaient-elles plus supportables et faciles pour autant ? Il nous est encore difficile de le déterminer et de plus amples recherches devront être entreprises pour éclaircir ce point particulier..
Une chose est certaine: que vous soyez paysan ou ouvrier, il fallait travailler pour (sur)vivre, quelque soit la saison, quelques soient les conditions climatiques de ces saisons. Et ces conditions climatiques pouvaient rendre la vie dure, très dure, voire outrepasser les limites du supportable.
Quel temps fait-il en ces années 1825-1830 ?
Après les années de guerre que connurent nos régions3, les récoltes des années 1819 à 1826 furent, en Belgique comme en France, remarquables. Malheureusement, à ces 7 années de vaches grasses, succédèrent 6 années mitigées au cours desquelles les récoltes ne furent plus si abondantes.
En 1826-1827, l’hiver fut extrêmement rigoureux et provoqua de nombreuses inondations. Les récoltes furent mauvaises et la disette s’installa dans certaines régions du pays.
L’hiver 1828-1829 fut semblable, de par sa rigueur et ses conséquences. Le rendement des récoltes s’en ressentit notablement. Cependant, ce faible rendement fut aussi du à un diptère du froment dont la présence dans les champs fait avorter le grain. C’est à ce diptère que furent attribuées les grandes famines de 1827 à 1830 en Angleterre.
1827 et 1828 furent donc des années de récoltes médiocres, impliquant une augmentation importante des prix et un report du pouvoir d’achat sur le pain.
La situation empira encore l’année 1829.
< à suivre : 1829-1830 : un hiver épouvantable (2)

Notes
1 Nous verrons par ailleurs que la poudre noire fut également fut utilisée pour aider au creusement du souterrain.
2 “Hotteresse” ou “boteresse”; les deux termes sont souvent utilisés l’un pour l’autre. La “boteresse” est une femme portant des charges avec un bot, panier en forme d’entonnoir sans fond, sur son dos. Le bot, contrairement à la hotte qui, elle, avait un fond, ne pouvait pas tenir seul debout.
3 Que l’on veuille bien se rappeler que, sans connaître réellement de bataille sur son sol, le Grand-duché de Luxembourg, rattaché à la République française puis à l’Empire, connut un période de conflits de plus de 25 ans.