Des meules fumant comme des cheminées ?

C’est, semble-t-il, ce qui s’est passé à Tavigny, il y a tout juste 110 ans. 

Voila ce que nous apprend un petit article du 10 octobre 1909 paru dans l’Avenir du Luxembourg :

« Tavigny« 

Monet – 1890 [5]
« Plusieurs cultivateurs ayant été trop empressés pour rentrer leurs avoines, voila que leurs meules commencent à fumer comme des cheminées.

L’humidité accumulée dans les gerbes produit cette blanche vapeur qui s’en dégage.

Pour ne pas voir pourrir avoine et paille on est obligé de défaire un ouvrage fait.

Ah si on avait seulement le bon temps maintenant. »

 

L’année 1909 fut-elle une année si mauvaise d’un point de vue météorologique ?

Sans doute faudrait-il consulter les archives de l’IRM car une simple recherche sur Internet ne donne pas que quelques éléments.

Le site de l’IRM relève les records en matières de température depuis sa création. Pour le mois de juillet 1909, l’IRM note : « La température maximale journalière n’aura pas dépassé 25°C au cours de ce mois de juillet à Uccle. Ce sera le cas aussi en 1974« [1] mais le site ne relève pas d’autres records pour cette année là.

Suite à une tombée de neige en mai de cette année, la RTBF a publié sur son site Internet un article intitulé « De la neige au mois de mai: pas si exceptionnel que cela« [2]

« Le 2 mai 1909 : 3 cm à Gembloux, 12 cm à Hestreux dans l’Hertogenwald, la forêt ducale au Nord du massif des Hautes-Fagnes en province de Liège et 9 cm à Hockai près de la Baraque Michel. Dans les Fagnes, la neige a couvert le sol du 1er au 3 mai. »

Sous un autre article en 2018, on trouve : « Avec une température maximale de 2,3° à Uccle, le samedi 17 mars a été le plus froid enregistré depuis 1909. » [3]

 

Pour avoir une vue un peu plus complète de ce qu’a pu être l’année météo 1909 dans nos contrées, on peut se rapporter, sans grand risque de se tromper, à la chronique météo de Paris [4]. Celle-ci détaille les événements climatiques marquants, mois après mois et, de fait, il s’en est passé des choses en 1909.

« Début janvier : froid glacial – la température atteint -25° à Mouthe (Doubs), -21° à Nancy, -14° à Lyon.

Du 25 février au 17 mars : une vague de froid tardive sévit sur tout la France – le 4 mars, on enregistre -11° à Clermont-Ferrand, -10° à Besançon et -7° à Dunkerque – 15 à 20 cm de neige recouvrent Paris et sa banlieue .

Fin avril : des orages et une chaleur hors saison concernent tout le pays – le 25 avril, Hem (nord) est sinistrée par la grêle : des grêlons de 2 cm cassent les fils téléphoniques et les vitres alors qu’il tombe 89 mm de pluie en 50 minutes (l’équivalent d’un mois et demi de précipitations).

Début mai : la température chute considérablement pour atteindre des records – il gèle partout, y compris sur la Côte d’Azur – les vignes souffrent énormément – il neige parfois abondamment le 1er mai.

Juin : exceptionnellement frais – on note même quelques flocons de neige fondante à Châteaudun (Eure et Loire) dans la journée du 12 juin. Une violente tempête sévit en Manche et sur le littoral atlantique le 23 juin.

Juillet : toujours aussi frais et extrêmement pluvieux – entre le 6 et le 11 juillet, il tombe l’équivalent d’un mois de précipitations dans le nord du pays et des inondations se produisent dans l’est – à Paris, la moyenne des température est inférieure à celle de juin et la valeur maximale sur l’ensemble du mois n’est que de 25°, soit la plus faible depuis 1 siècle.

Début août 1909 : après une première moitié d’été très maussade, la chaleur s’abat sur la France.

8 août : de très violents orages provoquent des dégâts sur tout le littoral de l’Atlantique – l’eau envahit les rues de Lorient où d’énormes grêlons sont observés.

Les 18 et 21 août : des tempêtes d’automne traversent le nord de la France et provoquent des dégâts matériels – le 21 août, il pleut sans discontinuer pendant plus de 16h à Paris où la température ne dépasse pas 16°.

28 octobre : une très profonde dépression traverse l’ouest du pays et provoque de très importants dégâts aux Sables-d’Olonne (Vendée) . La mer envahit également plusieurs kilomètres de littoraux près d’Isigny sur mer (Calvados).

Du 19 au 25 novembre : vague de froid très précoce. De la neige est même signalée sur la Côte d’Azur le 24 novembre
où les cultures florales sont compromises.

Décembre : les pluies sont très abondantes sur toute la France et les nappes phréatiques sont saturées, d’où les inondations catastrophiques de janvier 1910.

Les 22 et 23 décembre : une douceur exceptionnelle envahit tout le pays. On mesure 24° à Perpignan et Bagnières de Bigorre, 18° à Clermont-Ferrand et 16° à Paris. Ces températures exceptionnelles sont liées à la présence de plusieurs tempêtes qui propulsent l’air subtropical jusque sur nos régions. »

 

Pas de doute, 1909 fut une année des extrêmes et justifia probablement une mise en meule hative et humide.

1909, certainement pas une excellent année agricole en Ardenne !

 

—-

Sur le même sujet, voir les articles « Les meules d’antan » et « Des Coches« 

—- Sources et références —-

A lire sur le même thème : « Des coches« , article du 30 mai 2016.

[1] https://www.meteo.be/fr/climat/evenements-remarquables-depuis-1901/evenements-remarquables/evenements/recordsEvènements météo marquants de l’année

[2] Stéphane PIEDBOEUF avec Pascal MORMAL – 

https://www.rtbf.be/services/meteo/detail_de-la-neige-au-mois-de-mai-pas-si-exceptionnel-que-cela?id=10211157

[3] Belga – 

https://www.rtbf.be/info/regions/detail_mars-fut-un-mois-meteorologique-normal-a-uccle?id=9882186

[4] http://www.meteo-paris.com/chronique/annee/1909

[5] Les Meules est le titre d’une série de tableaux impressionnistes peints par Claude Monet. Le terme fait référence au sens strict aux vingt-cinq tableaux commencés après la moisson de la fin de l’été 1890 et poursuivis jusqu’au début de l’année 1891. La série a pour sujet principal des gerbiers de blé montés en meules qui se trouvaient dans un champ situé à proximité de la maison de l’artiste, à Giverny en Normandie. Source Wikipedia.

 

ALFORVILLE. Crue 1910. Ile Saint Pierre avec meule de paille apportée par le courant de Choisy le Roi