Le bois mort et les poissons à un certain état de putréfaction deviennent souvent lumineux. Mais j’ai eu occasion de voir que des végétaux vivants peuvent aussi devenir phosphorescents.

La VieC’était en 1856, par une nuit de la fin de juillet, très-chaude et sombre.

Le ciel était couvert de nuages orageux. Vers minuit, je montais une petite côte de l’Ardenne, qui conduit à la fange située entre Houffalize et Wibrin. (On appelle fanges ou fagnes, en Ardenne, les terres incultes, couvertes de genêts et de bruyères).

Arrivé sur le plateau, mon étonnement fut extrême en voyant de toutes parts la fange phosphorescente. De toutes les vieilles tiges de genêts et des bruyères, et de la plupart des rameaux, émanait une lumière bleuâtre.

Une voiture pleine de genêts, le long du sentier, était aussi phosphorescente dans plusieurs de ses parties, ainsi que les fagots qu’elle contenait.

Ces lueurs avaient quelque chose de morne et de sinistre. Il semblait que cette lumière n’éclairait pas, ne rayonnait pas. Cependant, en approchant une lettre d’un gros fragment de genêt, je pus en distinguer l’adresse.

Au milieu de tous ces balais enchantés, je m’attendais presque à voir apparaître des sorcières. J’emportai avec moi plusieurs tiges, et, arrivé à l’auberge avant le jour, je les vis continuer à répandre cette même lueur immobile dans ma chambre, jusqu’au moment ou je m’endormis.

Le lendemain, j’allai au soir dans la lande, et je ne vis rien de semblable.

Les tiges que j’avais apportées n’éclairaient plus.

de Jouvencel[i], Paul, Hippolyte, Félicité (Vte), Genèse selon la science : la vie. 1862 – http://gallica.bnf.fr

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[i]           Né le 16 janvier 1817 à Versailles (Seine-et-Oise), Paul de Jouvencel fit son droit, fut reçu licencié à dix-neuf ans, puis s’adonna à l’étude des sciences naturelles et de l’économie sociale. Il ne cessa de professer, en politique comme en philosophie, des opinions avancées, qui le signalèrent à l’attention du parti démocratique.

            Membre actif du comité électoral démocratique de la Seine en 1850, il fut compris, lors du coup d’État du 2 décembre 1851, sur la liste des expulsés de France, se retira en Belgique et ne rentra qu’après l’amnistie de 1859.
Député au Corps législatif de 1869 à 1870,  il siégea à gauche, appuya toutes les motions du petit groupe hostile à l’Empire, et se prononça contre le plébiscite de 1870 et contre la déclaration de guerre à la Prusse.

            Après le 4 septembre, M. Paul de Jouvencel organisa un corps de volontaires, les chasseurs de Neuilly, et quitta Paris en ballon le 22 octobre. Il s’occupa de la publication de quelques nouveaux travaux, « Récits du temps , souvenirs d’un officier de francs-tireurs » (1873); « Aide-mémoire du partisan » (1875-1877); « De la diffamation en matière électorale » (1878), sans abandonner la politique militante.

            Député de Seine-et-Oise de 1885 à 1889, il devait mourir, âgé de 80 ans, le 5 avril 1897, à Paris.