Le sourcier Fonce-Trouc, le puit et les guêpes
« Le soir, mon père m’expliquera que la fumée qui stagne (ça c’est un beau mot, je vais le garder) au fond du trou pourrait asphyxier.
Encore un mot savant qui veut dire « gazer », ça je connais,
Mr Lespagnard est un « gazé » de la guerre, c’est pour ça qu’il est toujours « hordalènn »[1].
C’est un héros, mais ça ne ce voit pas – le défonceur de roches…
Mais demain, on recommence…
Pendant que Fonce-Trouc allait ranger le panneau, Papa a sorti la bouteille de pèket…
Les voilà installés comme deux copains, à discuter et à fêter leur nouvelle entente… si bien qu’un peu plus tard, on les aperçoit, côtes à côtes, tenant chacun une branche de la baguette magique.
Papa prend sa première leçon de sourcier ! Et ça marche !
Ça marche si bien qu’il ne tarde pas à s’y essayer seul.
Le résultat est positif et surprenant, la baguette le conduit sans hésitation à la fosse à purin !
Mais mon père n’est pas facile à décourager et, dès le lendemain, il se coupera une baguette de noisetier identique à celle de son nouvel ami.
Ne vous y trompez pas, mon récit peut donner l’impression que les travaux ne durent que 4 ou 5 jours, mais ils ont, en réalité, duré plus d’un mois .
Il ne suffit pas de faire un trou, m’explique Papa, il faut veiller à le garder vertical.
Fonce-Trouc, à l’aide d’une ficelle à laquelle pend ce qui me semble être un poids de balance, en vérifie régulièrement l’orientation.
Il veillent également à la finition des parois avec un marteau qui ressemble à un poisson : une grosse tête d’un côté, une queue plate et un peu courbe de l’autre ! [2]
Adelin, momentanément libéré, m’entaîne dans une autre aventure…un essaim de guêpes s’est installé dans un « strouc » de sapin (une souche) trop près des ruches et il veut le « faire pèter » et comme il dispose de la tarière et de poudre noire (c’est pas de la poudre, ça ressemble aux pépins des petites pommes sauvages qu’on pique sur une baguette pour les envoyer très loin !), il a ce qui lui faut !
Maniée de main de maître, la tarière s’enfonce profondément dans le bois, malgré les sâles bestioles qui « zûnent » autour de leur agresseur.
Adelin vient me retrouver derrière le fournil et fabrique une sorte de pètard avec un journal, la poudre et un bout de ficelle .
La poudre bien tassée dans son cylindre de papier, on y insère le « cordon Bickford »[3], une espèce de cylindre en ficelle empli de poudre qui remplace la mèche et on pousse le tout dans le tronc.
Les guêpes « zûnent » en tournant comme des folles,
Adelin se frotte le cou en grommelant – il a été piqué – et met le feu au cordon…
A l’abri du fournil, nous assistons à l’explosion…
C’est amusant, la campagne !
<< à suivre >>
Louis Bologne
— Notes et références —
[1] Emile Lespagnard est en effet un ancien combattant de 14. Son nom figure sur le monument érigé en l’honneur des anciens combattants, près de l’église.
[2] Un marteau à schiste
[3] Cette mèche a été inventée par William Bickford au début du XIXe siècle. Celui-ci a donné son nom à son invention qu’on appelle également parfois cordon Bickford. Elle permet la mise à feu à distance d’un explosif. Source Linternaute.fr